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Déviation de la RD921 : un projet écocide

Publié le 14 décembre 2020

Une année d’attente des jugements des actions juridiques engagées et de mobilisation adaptée dans un contexte de crise sanitaire

France Nature Environnement Centre Val-de- Loire est opposée au projet de déviation de la route départementale 921. Ce projet est basé sur la construction d’une plateforme de dimension autoroutière longue de 15 km, avec un pont de 570 m pour le franchissement de la Loire. Le pont reposerait sur sept appuis dans le fragile lit du fleuve au substrat karstique, à trois kilomètres seulement en aval du pont de Jargeau, par ailleurs reconstruit en 1988.

Protéger la Loire moyenne

Le projet impacte directement l’un des plus beaux segments encore préservé de la Loire moyenne. Rappelons que le fleuve est sur cette emprise classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO et fait l’objet de protections environnementales fortes : NATURA 2000 – Directive oiseaux et directive habitats ; Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et Zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO). L’intégrité et la fonctionnalité de zones humides présentes est aussi directement menacée ; ainsi que la ceinture verte de l’agglomération Orléanaise et les continuités écologiques associées (Trames verte et bleue).

Des travaux sur le terrain se sont poursuivis en 2020, malgré une attente de jugement sur le fonds de plusieurs recours qui n’ont toujours pas été audiencés. Il est à rappeler jusqu’à ce jour la déforestation de quinze hectares d’espaces boisés classés, des processus d’artificialisation pour les accès routiers, et des opérations de sondage en Loire. Ces opérations ont déjà provoqué des atteintes graves sur plusieurs milieux proches des boisements anciens et zones humides, dégradant la biodiversité particulièrement riche qui leur est associée. Des inventaires et des contacts récurrents sur le terrain ont en effet permis d’identifier plus de 170 espèces d’oiseaux sauvages et 30 espèces d’odonates, dont les cycles de vie sont menacés. Les faibles compensations légales prévues ici dans le cadre du projet ne peuvent aucunement prétendre à une équivalence au regard de la perte patrimoniale des ces espaces naturels et leurs services écosystémiques rendus.

Des arrêtés baclés

Dans un contexte sanitaire perturbé, France Nature Environnement Centre-Val de Loire, son association membre Mardiéval1 et le collectif citoyen « le village de la Loire »2 n’ont ni baissé la garde ni leur vigilance sur ce sujet déterminant et emblématique pour notre région. Il est attendu désormais à proche échéance les jugements des tribunaux, concernant de multiples illégalités dénoncées par les associations requérantes dans ce projet. Pourraient ainsi être sanctionnées par la justice, l‘incomplétude des espèces prises en compte dans le dossier soumis au Conseil national de protection de la nature (CNPN) pour déroger à leurs protections et la violation du principe de précaution constitutionnel si le pont était construit sur les karsts. Le Bureau de recherches géologiques et minières3 (BRGM) a en effet estimé dans un rapport très complet que l’effondrement de l’ouvrage serait « possible, voir probable ». Les fondations nécessairement profondes du pont dans le lit du fleuve porteraient également préjudice à un système de rivières souterraines complexe et fragile, ce qui pourrait nuire gravement à la régularité et au débit de l’alimentation en eau des sources du Loiret.

Des alternatives oubliées pour un pont inutile

Les associations requérantes dénoncent globalement, selon les exigences des législations françaises et européennes pour la protection de la biodiversité :

  • la non-démonstration d’une raison impérative d’intérêt public majeur pour ce projet ;
  • la non-démonstration de la prise en considération d’alternatives et de solutions de moindre impact dans l’étude du projet ;
  • la non-démonstration de la prise en considération de la totalité des espèces à protéger dans l’emprise du projet.

Un autre recours à la cour d’appel de Nantes, est toujours porté par l’association Mardiéval contre la Déclaration d’utilité publique du projet, procédure qui est elle aussi toujours en attente de jugement depuis maintenant près de 5 ans. Il s’agit d’une non-adéquation du projet face aux enjeux et ambitions actuels.

 

La tranchée réalisée dans la zone protégée Natura 2000 en 2020 entre deux recours
La tranchée réalisée dans la zone protégée Natura 2000 en 2020 entre deux recours

 

Dans un contexte d’urgence de plus en plus prégnant quant à l’érosion de la biodiversité et l’accélération du changement climatique, ces atteintes graves à la biodiversité, et la non-considération du projet quant aux enjeux d’impact carbone et de réduction des gaz a effet de serre à l’environnement sont tout à fait inacceptables au regard des faibles avantages allégués à ce projet, dont le coût est évalué à ce jour à plus de 100 millions d’euros.

Une réponse non adaptée

Cette logique, qui n’apporte pas de réponse déterminante aux nuisances routières, est aussi celle d’un siècle passé, alors que des solutions rapides quant aux nuisances subies par les riverains, moins coûteuses et de moindre impact pourraient être mises en œuvre. Le projet va à l’encontre des objectifs ambitieux pourtant affichés clairement dans les stratégies nationales : transition énergétique et lutte contre le réchauffement climatique, lutte contre l’érosion de la biodiversité, dont l’artificialisation et le changement de destination des sols est l’une des causes majeures.

Dans ces enjeux qui doivent être territorialisés, il est attendu des pouvoirs publics une exemplarité et du conseil départemental du Loiret un renoncement et une ré-orientation des lourds budgets engagés vers des solutions alternatives raisonnables de moindre impacts environnementaux et financiers ; et vers d’autres priorités bien plus essentielles et durables pour notre société.

Jean-marie salomon / Président de mardieval
‘‘En 2020, nous avons pris pleinement la mesure des carences de l’institution judiciaire administrative : alors que les lois de la République sont déjà très en retard sur la conscience collective des citoyens, les juges, qui ont tendance à défendre le ‘‘statu- quo’’, restent insensibles aux menaces environnementales, et les trop faibles moyens affectés aux tribunaux entraînent des retards énormes constituant des injustices de fait. Le risque est désormais pour nous que les sanctions judiciaires ne touchent le projet qu’une fois les destructions faites et les ouvrages majeurs réalisés irréversiblement.’’

 

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